Université de Dijon : un campus où l'art articule les savoirs

Par Jérôme Poggi


Ceux qu’avait éblouis la spectaculaire installation que l’artiste coréenne Haegue Yang avait produite pour la Hauptbahnhof de Cassel pour la Documenta 13 l’été dernier se réjouiront de sa dernière réalisation inauguré sur le campus de l’université de Bourgogne ce mois-ci.


Dans le cadre d’un 1 % lié à la nouvelle Maison des Sciences de l’Homme, l’artiste est intervenu dans l’atrium du centre de recherche en sciences humaines et sociales avec une de ses fameuses « Blind Sculpure », composée de stores vénitiens multicolores suspendus dont la structure fait écho à l’organisation du bâtiment construit par l’architecte Nicolas Guillot. Cette nouvelle oeuvre vient enrichir un patrimoine artistique déjà conséquent qui place le campus de l’Université de Dijon parmi les plus remarquables d’Europe.


On doit à Serge Lemoine, dont la carrière universitaire se fit en particulier à l’Université de Dijon, d’avoir initié une ambitieuse politique de commandes alors qu’il était conseiller artistique délégué à la création pour la région Bourgogne entre 1969 et 1981. Profitant de l’important développement immobilier du campus au milieu des années 1970 et du 1 % artistique qui lui était subordonné, il passa commande de plusieurs oeuvres monumentales à Gottfried Honegger, Yaacov Agam, Arman ou Karel Appel, dont l’emblématique Anti-robot (1976) campé sur l’esplanade Erasme vient d’être restauré de façon exemplaire, témoignant d’une conscience patrimoniale de la part de l’université suffisamment rare pour être soulignée. La dynamique initiée par Serge Lemoine se poursuivit avec de nouvelles commandes passées à Julije Knifer, Christian Floquet, Peter Downsbrough, suscitant également dons et dépôts de la part d’artistes (Jean Gorin, Alain Kirili) ou d’institutions comme le Fonds national d’art contemporain.
Parallèlement, au début des années 1990, le campus de Dijon devient l’un des tout premiers terrains d’expérimentation de l’action des Nouveaux commanditaires que la Fondation de France venait alors d’initier sur une idée de l’artiste François Hers. À l’occasion de l’opération « Sept jours à l’Université » orchestrée nationalement en 1994, quatre premiers projets portés par des usagers du campus furent mis en oeuvre par Xavier Douroux, alors enseignant à l’université et codirecteur du Consortium de Dijon. Le plus emblématique d’entre eux est certainement la commande passée par des employés du restaurant universitaire à Yan-Pei Ming. Regrettant l’anonymat dans lequel les retranchait leur condition de travail aux yeux de ceux qu’ils servaient, plusieurs cuisiniers, plongeurs ou caissières décidèrent de commander leur portrait au peintre chinois. En résulte aujourd’hui une impressionnante galerie de dix portraits à l’huile de grand format signés d’un des peintres les plus cotés et accrochés aux yeux de tous dans la salle du restaurant à la manière d’une galerie de personnages illustres.
Mais au final, l’oeuvre la plus imposante et fondamentale du campus est paradoxalement la moin visible au premier regard. Elle est l’oeuvre de l’artiste Rémy Zaugg qui, alors qu’il proposait de collaborer à la conception d’un musée universitaire pour l’Institut d’histoire de l’art de Dijon, s’est finalement vu confier par l’université la conception de l’ensemble du schéma directeur du nouveau campus. Son projet, conçu en collaboration avec les architectes bâlois Herzog et de Meuron qu’il s’était adjoints, a été entériné à l’été 1990. C’est à sa vision que l’on doit encore aujourd’hui la logique organique avec laquelle le campus se développe. Une logique où l’art articule les savoirs et les expériences selon un schéma que l’ensemble des universités et grande écoles seraient bien inspirées de suivre à leur tour. 

Jérôme Poggi,3 mai 2013
Chronique parue dans le Quotidien de l'art le 3 mai 2013