HEC ose l'art


Édouard Sautai / Fichtre, exposition « des orientations », 
campus HEC. Photo : Collectif Fichtre.


Par Jérôme Poggi


Il n’y a pas que des présidents de la République qui sortent d’HEC… De plus en plus de diplômés de la prestigieuse école de commerce occupent des postes de direction dans le domaine culturel, au grand damne de certains qui préféreraient y voir des conservateurs du patrimoine purs et durs, garant de la prévalence du projet sur les moyens nécessaires à sa mise en œuvre.


Force pourtant est de reconnaître que les grandes institutions culturelles se pilotent de nos jours comme de grandes multinationales, requérant une maîtrise combinée des lois du management et de l’histoire de l’art. Regroupés au sein de l’association « Culture et management », que préside Manuel Rabaté, secrétaire général de l’Agence France Museum passé par HEC, ces nouveaux pontes de la culture incarnent une alliance décomplexée entre l’économie et la culture que certains désignent sous le terme « d’économie mauve ». Au-delà d’une économie sectorielle de la culture, ce concept prend en considération l‘impact que toute activité humaine  imprime à son environnement culturel dans une perspective de développement durable. Fervent défenseur de cette idée, Bernard Ramanantsoa, directeur général d’HEC, milite pour une conception élargie de la mondialisation qui ne se limite pas à « une addition d’intérêts économiques », rappelant qu’elle est «  avant tout une mémoire commune, partagée entre différentes cultures » et que « le fait de l’oublier est probablement à l’origine de la crise économique ». Dont acte… 

De fait, HEC fut pionnière dès 1995 en mettant en place une filière de management spécifiquement dédiée au secteur des arts et de la culture.  Outre la formation de managers culturels, le Master « Médias art et création » fonctionne aussi comme « un laboratoire qui voit émerger de nouvelles pratiques de gestion, de management, de communication qui se diffusent ensuite aux autres sphères économiques » souligne sa responsable, Nicole Ferry-Maccario. Mais au-delà de la quarantaine d’étudiants qui suivent ce mastère, l’enjeu est de sensibiliser l’ensemble des futurs diplômés aux arts contemporains, « essentiels pour comprendre l’évolution de la société et dont un futur dirigeant ne saurait se passer ». A côté de timides enseignements électifs en première et deuxième années qui, loin des ambitions affichées, donnent la possibilité à une poignée d’étudiants de se frotter à l’art d’aujourd’hui, c’est surtout l’Espace d’art contemporain  qui constitue l’originalité de la Business School. Sans rivaliser avec les véritables musées dont s’enorgueillissent ses rivales du classement de Shangaï, HEC est la première Grande Ecole française à se doter durablement d’un tel lieu de réflexion et de création au cœur même de son campus. Impulsé en 1999 par l’ancien HEC et collectionneur Paul Dini, le centre d’art se distingue par sa volonté de s’intégrer au plus près de la vie des étudiants. Dépourvues de lieux fixes, les expositions investissent l’ensemble des espaces pour se mettre sur le chemin des usagers du campus. Mais c’est plus encore « l’espace mental » des étudiants que souhaite investir la directrice de l’espace d’art, Anne-Valérie Delval, en basant sa programmation sur le principe de la résidence d’artistes. Après Daniel Firman, Igor Antic ou Peter Wüthrich, c’est Édouard Sautai qui inaugurera la prochaine exposition avec le jeune collectif d’architectes nantais Fichtre. « Nous ne sommes pas un centre d’art dans le sens où notre priorité n’est pas de promouvoir les artistes. Notre objectif est d’interpeller les étudiants, enseignants et visiteurs et de leur donner envie de voir plus loin, à oser l’art, pour reprendre la fameuse devise de l’école ». 



Jérôme Poggi, 25 mai 2012
Chronique parue dans le Quotidien de l’art, 25 mai 2012