Betonsalon, tête chercheuse de l’Université Paris VII

Par Jérôme Poggi
Le campus de l'Université Paris VII - Denis Diderot est certainement le plus contemporain de France. Anciennement installé à Jussieu, l'université a rejoint le tout nouveau quartier parisien ZAC Rive gauche, situé non loin de la Bibliothèque Nationale, le long de la Seine. Investissant les anciens Moulins de Paris, réhabilité apr Rudy Ricciotti et Nicolas Michelin, l'Université possède quelques œuvres contemporaine remarquable et un centre d'art en son sein parmi les plus pointus de la capitale. 
 
Enrichi tout récemment d’une spectaculaire sculpture de Nancy Rubins, réalisée dans le cadre des commandes de la nouvelle ligne de Tramway T3, le campus de l’Université Paris VII renvoie l’image d’un campus résolument contemporain, pouvant s’enorgueillir par ailleurs d’œuvres d’Eric Duyckaerts, Berdaguer et Péjus, Didier Marcel et bientôt d’Attila Csörgö pour ne citer que quelques uns d’entre eux. Ayant quitté le site de Jussieu en 2007 pour rejoindre les anciens Grands Moulins de Paris dans la ZAC Rive Gauche, réaménagés sous la houlette de Christian de Portzamparc par quelques uns des plus importants noms de l’architecture contemporaine, ce quartier latin du XXIème siècle possède également en son sein, un centre d’art et de recherche au nom prédestiné qui fête cette année ses dix ans : Bétonsalon.
Créé en 2003 à l’initiative de plusieurs artistes et critiques d’art pour répondre au déficit de lieux parisiens dédiés à la scène la plus émergente de l’art contemporain, Betonsalon a été choisi en 2007 pour investir un vaste espace de 300 m2, situé en rez-de-chaussée  de l’historique Halle au Farines toute de béton revêtue, donnant à travers de larges baies sur l’esplanade centrale du campus. Contrairement aux galeries d’art des universités de Rennes ou de Paris I, cet espace n’a paradoxalement pas de lien financier direct, ni même véritablement tutélaire, avec l’Université, bénéficiant essentiellement du soutien de la Ville de Paris, du Ministère de la Culture et de la Région. Se positionnant à la confluence entre l’art et la recherche universitaire, il est plutôt un poste avancé, greffé au cœur même de l’université, lui conférant à la fois une situation d’observateur, d’explorateur et de médiateur.
William Anastasi, Without title
(One Gallon of high gloss enamel poured),
Installation view Mattress Factory, Pittsburgh, 1989
 © Galerie Jocelyn Wolff — Photographe : Dove Bradshaw
Sa directrice, Mélanie Bouteloup, y développe une approche de l’art « processuelle, collaborative et discursive », concevant l’art comme un espace de rencontre entre les expériences et les savoirs, sans finalité forcément formelle devant s’incarner dans des « œuvres ». L’actuelle exposition, intitulée « Quelque chose de plus qu’une succession de notes », aborde justement la question des pratiques culturelles immatérielles, et du paradoxe que peut constituer la volonté de les sauvegarder, transmettre et documenter sans altérer ou dissiper leur essence dans des formes matérielles. Au croisement de l’anthropologie, de l’histoire, de l’art et de la muséologie, l’exposition ne « présente pas que des œuvres à proprement parler» souligne M. Bouteloup, réunissant aussi bien des contributions de chercheurs, d’activistes et d’artistes sans hiérarchie véritable. 
Parallèlement aux trois expositions organisées tous les ans, Betonsalon joue un rôle de tête chercheuse au sein de l’université, offrant sa structure et ses murs à plusieurs ateliers de recherche dans l’année. S’y croisent de façon participative artistes, critiques, universitaires et étudiants, comme récemment l’ont fait les chercheuses Julie Ramage et Lotte Arndt au cours d’un séminaire de douze séances consacrées à la décolonisation entre 1940 et 1970.
Bref, on tient salon dans le bien-nommé centre d’art. Mais dans le sens encyclopédiste du terme, à l’instar du fameux Salon de Madame Geoffrin chez qui art, sciences, philosophie était débattus par une assemblée composite où se croisaient aussi bien Fontenelle, d’Alembert, Boucher, Van Loo, sans oublier celui qui donnera son nom à l’Université Paris VII, Denis Diderot.
Jérôme Poggi
Chronique parue dans le Quotidien de l'art le 12 juillet 2013
 
9 esplanade Pierre Vidal-Naquet
Rez-de-Chaussée de la Halle aux Farines
Paris XIIIème