L’art au service de la science au MIT



Student Loan Art Program, List Visual Arts Center, MIT



Nul besoin de long discours pour comprendre que l’on est dans l’une des trois meilleures universités au monde quand on visite le campus du Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Cambridge près de Boston. L ‘excellence et l’ambition de l’université américaine sautent littéralement aux yeux par la qualité de son environnement architectural et visuel.
A côté de plusieurs bâtiments imposants du début du XXème siècle inspirés de l’Antique tel son fameux Dôme (1916), le campus de soixante dix hectares réunit quelques uns des grands noms de l’architecture moderne et contemporaine. C’est le finlandais Alvar Alto qui engage en 1949 le MIT dans la modernité en signant la Baker House, résidence étudiante à la forme ondulante dont il a également dessiné tout le mobilier. Quelques années plus tard, son compatriote Eero Saarinen livre le Kresge auditorium (1955), élégante voûte en béton renforcé en appui sur deux pointes seulement, ainsi que la discrète chapelle du campus. Le compétition de plus en plus acerbe entre les grandes universités américaines pendant les Trente glorieuses incite le MIT à se doter de nouveaux laboratoires de recherche et d’en confier la réalisation aux meilleurs architectes. Le sino-américain Ieoh Ming Pei, lui même diplômé du MIT en 1940, se voit confier le schéma d’aménagement de la partie Sud-Est du campus où il construit quatre bâtiments entre 1964 et 1985, date de l’inauguration du prestigieux Media Lab du MIT dont il confie la décoration des façades extérieures et intérieures à l’artiste Kenneth Noland.



Au cours de la dernière décennie, ce rythme de construction n’a cessé de croître, avec une ambition architecturale toujours aussi élevée. Le Media Lab s’est agrandi d’un nouveau centre construit par Fumihiko Maki, prix Pritzker en 1993. Steven Hole y a construit une imposante résidence étudiante en 2002 tandis que Frank O. Gehry a inauguré en 2004 le spectaculaire Ray and Maria Stata Center for Computer, Information and Intelligence Sciences.
S’il est logique qu’une université spécialisée dans le domaine des sciences, de la technologie et l’ingénierie, fasse de l’architecture la vitrine de son savoir-faire, il est d’autant plus remarquable de constater son investissement dans le champ de l’art contemporain. D’une exemplaire cohérence avec l’excellence de sa formation, l’université a choisi de s’enrichir d’œuvres signées des plus grands artistes, plutôt que de privilégier quelques anciens élèves, peintres du dimanche qu’elle aurait voulu honorer en leur achetant une ou deux œuvres. A côté de grands classiques modernes comme Rodin, Bourdelle, Lipchitz, Calder, Moore et Picasso, on y voit plutôt des œuvres importantes de Sol Lewitt, Michael Heizer, Dan Flavin ou Frank Stella mais aussi de Candida Höfer, Anish Kapoor, Cai Guo Qiang pour les plus récentes.

Cette collection d’art public est administrée par le List Visual Arts Center, installé dans un bâtiment de Pei dans lequel sont organisées des expositions très pointues, souvent monographiques, comme celles récentes de Cyprien Gaillard, Adel Abdessemed, Anri Sala, David Claerbout ou Matthew Day Jackson. Intitulée In the Holocene, la prochaine exposition de groupe réunira une cinquantaine d’artistes, parmi lesquels Aurélien Froment et Laurent Grasso. Considérant « l’art comme une science spéculative », le projet consiste à comparer les méthodes d’investigations artistique et scientifique, deux champs beaucoup moins éloignés qu’il n’y paraît aux yeux du jeune commissaire du LIST Visual art center, João Ribas, qui se demande « dans quelle mesure, l’art, dans son entreprise de représentation du monde, peut repousser les frontières de la recherche scientifique ? ». Une interrogation qui se pose tous les jours sur le campus de Cambridge.

Jérôme Poggi, 31 août 2012
Chronique publiée dans le Quotidien de l'art du 31 août 2012