Art + Université+ Culture, une équation de second degré

Alors que l’enseignement de l’histoire des arts à l’école et au lycée est devenu obligatoire depuis la rentrée 2009, la place de l’art dans les établissements d’enseignement supérieur suscite à son tour une prise de conscience croissante dans les milieux culturels et éducatifs, mais aussi politiques et économiques. La question est hautement stratégique, sinon démocratique, puisqu’elle concerne plus de deux millions d’étudiants appelés à occuper demain des postes décisionnaires au sein de la société. Si l’art doit pouvoir leur apporter des clés indispensables pour appréhender la complexité du monde actuel, « on peut également attendre de ces futurs acteurs de l’économie qu’ils deviennent les « actionnaires » indispensables de la scène de l’art de demain en tant que mécènes, collectionneurs ou commanditaires » insiste Jean-Yves Bobe, en charge du mécénat et du marché de l’art au Ministère de la culture.
L’enjeu est également symbolique à l’heure d’une réforme universitaire sans précédent qui vise à inscrire nos universités et grandes écoles dans un contexte mondial de plus en plus concurrentiel, soumis au diktat compétitif de classements tel celui de Shangaï. Les campus français souffrent d’un déficit d’image considérable comparé à leurs voisins anglo-saxons, dont l’ambition et l’excellence s’affichent au premier regard à travers des œuvres d’art, des musées et des bâtiments aux qualités architecturales évidentes. Visitant le campus de l’Ecole Centrale Paris à Châtenay Malabry, l’artiste Sophie Calle s’étonnait ainsi que « l’intelligence qui y règne ne soit pas plus visible  ».

C’est à ce manque de visibilité que le Plan Campus initié en 2008 par le gouvernement Fillon tente de pallier en regroupant les établissements d’enseignements supérieurs en grands pôles sur de vastes campus d’excellence censés « devenir la vitrine de la France ».  Mais au-delà de l’effet de masse recherché, « cette visibilité doit passer par des formes symboliques fortes, matérielles ou immatérielles que seuls des artistes et architectes sauront créer » insiste Jean-Miguel Pire, du Haut conseil de l’éducation artistique et culturelle.
Un point de vue pour lequel milite depuis 1990 l’association « Art + Université + Culture » qui réunit autour du « manifeste de Villeneuve d’Asq » des militants de l’action culturelle universitaire convaincus que «  l’université, par nature lieu d’expérimentation, de recherche et de formation, doit être celui où les étudiants et les personnels rencontrent des créateurs et des professionnels du champ culturel ». Plateforme d’information très active, l’A+U+C mène un travail de sensibilisation important, « indispensable alors que la loi sur l’autonomie des universités confère aux directeurs d’établissement la responsabilité de leur environnement, sans qu’ils aient forcément de sensibilité ou de formation sur les questions d’ordre symbolique ou artistique » souligne Evelyne Ducrot, co-présidente  de l’association. En lien avec le ministère de la culture, l’association a permis de renseigner la richesse des commandes artistiques réalisées au titre du 1% depuis cinquante ans,  dotant plus ou moins sporadiquement nos campus de milliers d’œuvres dont certaines de Picasso, Calder, Appel, Arman, Nanucci, Dezeuze ou plus récemment d’Angela Detanico et Rafael Lain (Université de Jussieu à Paris) ou de Christophe Berdaguer et Marie Péjus (Université Paris VII). Reste à espérer que le 1% sera dûment appliqué au Plan Campus, donton rappelle qu’il est doté d’un budget global de 5 milliards d’euros…