L’Université de Grenoble, championne du 1%

  Par Jérôme Poggi


« Peut-on célébrer la fête du printemps humain sans y inviter l’esprit ». C’est avec ces mots que Pierre de Courbertin défendait l’idée d’un rapprochement entre le sport et l’art dans le cadre des Jeux Olympiques. Père des jeux modernes, il était aussi un historien et pédagogue engagé, militant pour une réforme de l’éducation inspirée de son observation des campus anglais. Le sport y occupait une place de choix, à côté de l’art dont l’enseignement devait contribuer à « l’embellissement de la vie personnelle » et au « perfectionnement de la vie sociale ».Les J.O. de Londres s’inscriront-ils dans cette logique coubertinienne comme l’ont été en leur temps ceux de Grenoble par exemple ?




En 1968, la cité alpine s’était en effet très fortement investie dans un programme artistique ambitieux, lui valant d’avoir aujourd’hui sur son territoire un des campus universitaires les plus richement dotés en oeuvres d’art. Traditionnellement tournée vers la modernité depuis qu’Andry-Farcy fit entrer au musée les grands maîtres modernes dès 1919, soit près de trente ans avant Paris, Grenoble a joué un rôle majeur dans l’histoire de l’art public en confiant à Georges Boudaille d’organiser en 1967 le premier symposium international de sculpture en vue des Jeux Olympiques. Une quinzaine d’artistes furent invités à créer des oeuvres in situ à travers toute l’agglomération, depuis la gare où Calder installa ses Trois pics, jusqu’au domaine universitaire Saint-Martin-d’Hères où siège toujours l’oeuvre de Morice Lipsi. « Cette proposition inédite de musée vivant fut suivie d’autres expériences de muséification de l’espace urbain », rappelle Danielle Moger, historienne de l’art enseignant à l’Université de Grenoble, citant le parc du musée des beaux-arts dans les années 1990 et surtout les sculptures installées au titre du 1 % dans le campus universitaire dans les années 1970 qui l’enrichirent d’une nouvelle oeuvre de Calder (1971) ou d’une importante sculpture de François Morellet (1975).

Aujourd’hui, ce sont près de quarante oeuvres, signées par Claude Lévêque, Véronique Joumard, Jean-Luc Vilmouth ou Jacqueline Dauriac pour les plus récentes, qui ponctuent les différents sites du Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) de l’Université de Grenoble, lui conférant une identité forte que le nouveau conseil d’administration souhaite conforter. Dans la dynamique du futur projet d’Université Grenoble-Alpes annoncé le 2 juillet dernier, l’Université s’est activement engagée dans l’application future du 1 %, faisant preuve d’un volontarisme très rare en ces temps de crise. « En plus de l’obligation légale de consacrer 1 % des MOP (Maitrises d’Ouvrage Public) à l’acquisition d’oeuvres, nous avons souhaité appliquer ce même pour cent aux investissements relevant des PPP (partenariats public-privé), ce qui représente environ 650 000 euros à valoir d’ici 2015 », souligne Claude Schwartzmann, directeur du développement de l’Université. Auxquels s’ajoute un reliquat sur 2005/2012 de 200 000 euros que l’université tient mordicus à consacrer à des oeuvres d’art, sans oublier les 300 000 euros normalement dus au titre des futures MOP. 

Alors que l’Université fête ses cinquante ans cette année, ce seront donc plus d’un million d’euros qui vont être dépensés en oeuvres d’art, faisant d’elle la championne du 1 % toutes catégories et la hissant sur les premières marches des plus beaux campus mondiaux, aux côtés de leurs prestigieux homologues anglo-saxons qui donnèrent tant d’idées au Baron de Coubertin. 

Jérôme Poggi, 27 juillet 2012
Chronique publiée dans le Quotidien de l'art du 27 juillet 2012