Le très réputé Savannah College of Art and Design (SCAD) a trouvé un point d'atterrissage insolite, en choisissant de venir implanter en 2002 une partie de son campus, dans le médiéval petit village de Lacoste situé au cœur du Lubéron.
Née en 1978 dans le quartier historique de Savannah en Géorgie aux États-Unis, cette école d'excellence s’impose aujourd'hui dans le paysage universitaire américain comme un établissement de référence en matière de beaux-arts, d’art appliqué et de design. Son esprit innovant se manifeste par la mise en œuvre d’un environnement prospère, où méthodes d’enseignements et technologies de pointes se rencontrent quotidiennement pour générer de nouvelles dynamiques créatives et champs de connaissances. Au cœur de cette philosophie, on retrouve les principes de coopération et de positivisme, et le slogan “can-do” qui rappelle les valeurs de l'entreprenariat chères au mode d’éducation américain.
Le SCAD à Lacoste n'est cependant pas un phénomène isolé. Depuis une quinzaine d'années, les plus prestigieuses universités américaines - Columbia, Chicago, New-York ou Boston - intensifient leur présence dans l'Hexagone, et cette volonté d’extension trouve son origine dans deux phénomènes qui l’un dans l’autre se répondent et participent à la valorisation des vertus du modèle d'enseignement supérieur américain. Depuis les attentats de 2001, les États-Unis ont recours à des mesures de sécurité drastiques sur leur sol, appliquant une politique restrictive d’accueil des étrangers qui a pour conséquence la réduction du taux d'étudiants internationaux sur leur territoire. La réponse à ce manque se traduit par un mouvement progressif de délocalisation des campus en outremer, permettant aux membres du corps universitaire d'embrasser la culture et le patrimoine historique européen tout en implantant les spécificités d'un système éducatif opposé au nôtre ; basé sur l’engagement du secteur privé, les initiatives indépendantes, et l'adoption d'un "modèle marchand" compétitif.
Dès l'arrivée du Savannah College of Arts et Design à Lacoste, un contrat est passé entre les deux acteurs : tandis que le village met à disposition aux étudiants et au personnel de l'école une trentaine de bâtiment datant des XII, XIV et XVIème siècles pour travailler et vivre, ceux-ci s'engagent en retour à mener en collaboration avec la municipalité tout un programme de conservation et de rénovation de ces mêmes bâtiments. Échange de bons procédés donc qui responsabilise à la fois les étudiants du SCAD en les impliquant dans la gestion quotidienne d'un site classé au patrimoine de l'UNESCO, et qui génère de nouvelles formes d'interactions artistiques et culturelles avec habitants de la commune : co-création d'un festival d'opéra et de théâtre, rencontre avec des artistes internationaux de premier plan, création d'emplois au sein de l'école.
Valorisation publique de deux entités, brassage culturel fort, création d'emplois pour les habitants ; les bénéfices de la présence de SCAD pour ce petit village du Vaucluse sont significatifs de la richesse que ces échanges interculturels incarnent, et révèle l'urgence de les conserver.
Jeanne Turpault
Jeanne Turpault