Situé sur l’esplanade Erasme à Dijon, le campus universitaire de Bourgogne fait pleinement partie des lieux d’art de la ville. La création contemporaine y tient une place importante depuis la fin des années 1970, avec de nombreuses œuvres créées in situ grâce à la mesure légale du « 1% artistique » dans les bâtiments publiques (par Gottfried Honegger, Agam Yaacov et Arman). La présence sur le campus depuis 1983 d’un centre culturel universitaire, l’Athénéum, y assure également une représentation de la culture contemporaine sous toutes ses formes.
Toutefois,
au début des années 1990, une des branches de l’université de Bourgogne fit
entendre son malaise : les membres de l’UFR Science et Techniques des
activités physiques et sportives ne se sentaient pas justement représentés
parmi les secteurs d’activités phares de l’Université. Le placement même de la
Faculté des Sciences du Sport sur la carte du campus posait problème : au
fond du campus, derrière les bâtiments résidentiels des étudiants, aux abords
d’une route nationale bruyante.
Ce
contexte incita les responsables de l’UFR –avec, à leur tête, Robert Lacroix,
président de l’Office Municipal du Sport- à engager une démarche de
valorisation de leur Faculté. C’est de la rencontre avec Xavier Douroux,
co-directeur du Consortium et médiateur dans le programme les Nouveaux
Commanditaires, que naîtra le projet de commande à un artiste contemporain d’une
œuvre permettant de répondre à ce déficit d’image. En effet, le programme
Nouveaux Commanditaires, hébergé par la Fondation de France, permet à des
citoyens étrangers au monde de l’art de commanditer la création d’une œuvre
dans le contexte d’un besoin de représentation. Dans le cas de l’UFR Sciences
du Sport, il s’agissait de créer une œuvre suffisamment forte, sur le plan
visuel, pour qu’elle puisse à elle seule symboliser la présence et les valeurs de
l’UFR dans le campus.
L’artiste
qui offrit cette création exceptionnelle fut le photographe suisse Balthasar
Burkhard, internationalement reconnu pour ses tirages de très grand format,
généralement en noir et blanc, prenant pour sujet le corps humain, les éléments
naturels ou les animaux. Son approche de la photographie, dénuée de narration
ou de sentimentalisme, extrait le sujet au maximum de son contexte et le
capture de manière frontale, n’en montrant parfois qu’un détail.
La
forme choisie fut celle de 5 drapeaux, installés à l’entrée du pôle sportif pour
accueillir les étudiants et les visiteurs. Ils y flotteraient au vent comme les
bannières d’une fédération ou d’un pays ; ils marqueraient l’entrée d’un
territoire affichant fièrement sa légitimité. Les photographies choisies se
devaient donc d’être à la fois fortes et simples.
L’intérêt
de Burkhard pour le corps humain se révéla crucial lors de cette rencontre,
faisant écho aux principes de l’éducation physique et sportive. Les photos
reproduites sur les bannières donnent seulement à voir des détails : deux
mains et deux pieds. Métonymies d’un corps capable de mouvement et d’action, les
clichés détaillent la complexité la musculature, la fragilité de la peau, tout
en éveillant en nous des images familières.
Les bannières de Burkhard flottant sur le campus de la faculté de Dijon |
Le
corps auquel ces extrémités devraient se rattacher, absent des photographies,
est symbolisé par la photographie d’une aile de faucon, gracieuse et puissante.
Les commanditaires, ayant exprimé le souhait d’éviter les images exclusivement viriles,
approuvèrent ce choix animal qui procède plus par métaphore. D’ailleurs, par
leur recherche esthétique, ces photographies semblent avant tout célébrer la beauté
pure du corps et du geste. La comparaison avec la pratique sportive est donc aisée :
dans cette activité où la puissance est considérée comme une vertu, la
souplesse et la force de l’aile du rapace prennent une force toute symbolique.
Lors
de son inauguration, l’œuvre fut accompagnée d’une bannière supplémentaire,
accrochée pendant un temps à la tour de la bibliothèque. Celle-ci représentait
une oreille humaine, jouant du paradoxe de son association à un lieu de silence.
L’ensemble fut dévoilé pour les « 7 jours de l’art à l’Université »,
manifestation organisée en 1993 par l’association Art+Université+Culture, et
pour laquelle de nombreuse œuvres d’art contemporain furent produites et
exposées à l’Université de Bourgogne : l’occasion parfaite pour que le pôle
sportif puisse être vu comme un membre à part entière d’un campus où culture
intellectuelle et physique se rejoignent désormais.
Pierre
Caron, novembre 2013