Par Jérôme Poggi
Depuis
quelques années, se manifeste une volonté institutionnelle de redonner forme, lustre et panache aux rituels académiques
disparus. A l'instar du Conseil National des Ventes ou de l'Ecole Centrale de Paris, de plus en plus d'établissements se tournent vers des artistes pour répondre à ce fort besoin symbolique par des formes contemporaines.
Nos
universités et grandes écoles aussi ont leurs musées… Mais il faut les chercher
le plus souvent au détour d’un couloir du côté des archives, dans le bureau du
directeur sous une pile de dossiers, au mieux, au centre de documentation. Là,
couchés dans une simple et souvent encombrante vitrine, sont conservés des
objets, témoignant de la fierté passée de nos institutions, d’une époque où le
symbole avait valeur de sens. Emblèmes, uniformes, bicornes et autres
couvre-chefs, médailles et décorations, diplômes calligraphiés ont aujourd’hui
disparu, comme a disparu la plupart des rituels liés aux moments clés de la
scolarité (intégration, diplomation). Quelques institutions résistent certes et
font perdurer des traditions comme le bal de l’X à l’Opéra Garnier, mais leurs
accents sont souvent plus folkloriques que profondément symboliques.
Le
besoin de ritualisation est pourtant essentiel dans de tels contextes. Et
prégnant. Faute de mieux, il s’exprime dans des bizutages dont les excès
témoignent à la fois de l’intensité de ce besoin et de l’incapacité de ceux qui
les organisent d’y répondre par des formes symboliques fortes et appropriées.
Depuis
quelques années, réapparaît une volonté institutionnelle de renouer avec une certaine
tradition en redonnant forme, lustre et panache aux rituels académiques
disparus. L’Ecole des Beaux-Arts de Paris vient ainsi de relancer le fameux bal
des Quat’zarts qui a marqué pendant un siècle la fin de la scolarité, jusqu’à
son abandon en 1966. C’est dans une ordonnance royale de 1762 que les cours de
civilisation française de la Sorbonne sont allés chercher l’inspiration pour
réinventer leur cérémonie de remise des diplômes. Cependant, la plupart de ces
tentatives se contentent le plus souvent d’habiller leurs étudiants d’écharpes
en nylons ou de toges mal taillées, s’inspirant maladroitement des usages outre-atlantiques,
codifiés depuis 1932 par le protocolaire Comité américain
pour l'habillement et les cérémonies académiques.
Quelques
institutions audacieuses inventent néanmoins des rites contemporains, confiant
à ceux dont c’est le métier, les artistes, le soin de créer des formes
symboliques. Pourquoi en effet ne pas confier une cérémonie de diplomation à un
chorégraphe de talent ? Le dessin d’un uniforme à un créateur de mode ? Un discours
de fin d’année à un écrivain contemporain? Ou une image officielle à un
photographe renommé.
C’est justement
ce qu’a fait l’Ecole Centrale en initiant avec Jean-Marc Bustamante une
collection d’art contemporain, dont le principe consiste à commander tous les
ans à un artiste une « photo de promo » dont une édition
numérotée et signée est offerte à chacun des diplômés.
Dans
le même esprit, depuis cinq ans maintenant, le conseil des ventes commande à un
plasticien une œuvre remise en guise de diplôme à la trentaine de commissaires-priseurs sortant de leur formation. A l’instar de l’œuvre
créée par Antoine et Emmanuel en 2010 - un grand dessin représentant l’insigne
des commissaires-priseurs découpé en autant de morceaux qu’il y a de diplômes -
cette œuvre a véritablement la
fonction d’un symbole au sens premier du terme, les grecs désignant ainsi un
tesson de poterie partagé par plusieurs personnes en signe de reconnaissance. « Cette
collection est également symbolique pour notre organisme » souligne son
secrétaire général Thierry Savy. « Elle contribue à promouvoir notre
formation et à valoriser notre diplôme ». Après Mathieu Mercier l’année
dernière, c’est Bernar Venet qui « décorera » les lauréats de la
promotion 2012, ce mercredi 3 octobre, de palmes on ne peut plus contemporaines.
Jérôme Poggi, 30 septembre 2012
Chronique publiée dans le Quotidien de l'art du 30 septembre 2012